⡇D’après un entretien avec Henriette Walter, linguiste française.
Des mots comme radio, télévision ou hôtel sont compris partout. Cela permet une communication superficielle facile.
Cependant, chaque langue possède ses caractéristiques donnant lieu à des comportements spécifiques. Par exemple, un Allemand a moins tendance à couper la parole à son interlocuteur1 qu’un Français ou un Anglais. Ce n’est pas une question de vocabulaire, mais de syntaxe. En allemand, la place du verbe est à la fin de la phrase. On est donc obligé d’attendre pour comprendre le sens. C’est pourquoi les Allemands donnent l’impression d’être plus polis que les Français qui, au contraire, essayent d’interrompre pour montrer leur intérêt.Il y a aussi des nuances dans les langues. Prenez le tutoiement, qui est impossible en anglais. Les Anglais peuvent néanmoins montrer une plus grande familiarité en interpellant leur interlocuteur par son prénom. Or2 depuis quelque temps déjà, les Français font de même, en particulier à la radio et à la télévision. Lors d’une interview, on m’appelle souvent « Henriette » alors que j’ai encore tendance à dire Monsieur ou Madame. Il s’agit peut-être de l’influence des pays de langue anglaise. C’est plus sympathique, plus vivant. Cela rapproche les gens. De même3 en Espagne, deux personnes qui ne se connaissent pas, mais qui ont fréquenté la même école autrefois, se tutoient tout de suite. Mais je ne sais pas si ce comportement va « s’exporter » !
Entre le français et l’anglais, Je parlerais d’amour-haine. On s’admire et on s’envie. On s’attire et on se rejette. Cela donne : « Je regarde l’autre, il m’intéresse beaucoup et je vais essayer de l’imiter. Mais finalement, je ne fais pas comme lui ». Par exemple, au XVIIème (17ème) siècle, le dictionnaire de l’Académie française a influencé le Grand Dictionnaire de Samuel Johnson. Plus tard, au XVIIIème (18ème) siècle, la Cyclopaedia de Chambers conduira à la Grande Encyclopédie, de D’Alembert et Diderot. On prend modèle, on s’en inspire, et on fait autre chose, et mieux. On peut parler d’émulation. C’est pourquoi je parle de « l’incroyable histoire d’amour entre les Français et les Anglais ».
Contrairement à l’opinion générale, c’est surtout le français qui influence l’anglais. La très grande majorité des mots anglais est d’origine française. On ne sait plus que mushroom vient de mousseron4, que to carry vient de charrier5. Cela fait mille ans qu’on donne du vocabulaire à l’anglais, tandis qu’il nous en procure depuis seulement un peu plus de 200 ans : environ6 65 % du vocabulaire anglais est d’origine française alors que le français n’est que de 5 à 6 % d’origine anglaise !
L’anglais l’emporte7 aujourd’hui du point de vue de la communication internationale, surtout dans des domaines précis comme l’économie, la banque ou l’informatique8. Il s’agit en fait d’un anglais simplifié, ce qui inquiète d’ailleurs les anglophones. Pendant ce temps, nous, Français, craignons que9 notre langue ne disparaisse. Mais si l’on regarde de plus près, en particulier le vocabulaire informatique, on constate que 80 % des mots anglais de cette technologie sont d’origine latine.
Résultat : le grand vainqueur, paradoxalement, c’est le latin, cette langue dite « morte ».
- un interlocuteur : interlocutor, contact person, speaker ↥
- or : but, yet ↥
- de même : likewise ↥
- un mousseron : moss mushroom ↥
- charrier : to cart ↥
- environ : about, more or less ↥
- l’emporte sur : outweighs, prevails over ↥
- l’informatique : computing, computer science ↥
- craignons que : (we) fear that ↥
~ FIN ~
2 thoughts on “L’incroyable histoire d’amour entre le français et l’anglais”
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Je viens d’apprendre le mot en anglais “curfew” qui vient de “couvre-feu”. Il faut couvrir le feu la nuit. C’est intéressant à connaitre les racines des langues.
Oui Heather, c’est vraiment passionnant !